Cette bonne vieille intelligence artificielle : l’IA

Un membre d’un réseau professionnel publiait il n’y a pas si longtemps un article sur l’IA, qu’il nommait « mon compagnon » (« je vous présente mon nouveau compagnon ») et qu’il disait utiliser pour l’aider à écrire.
La personnification était si dérangeante que j’ai bondi, mais n’ai pas bien su expliciter ce qui me heurtait, suscitant par mon commentaire son agressivité, me répondant avec des questions sans lui-même avancer clairement les bienfaits de cet outil.

Face à cette concomitance dérangeante de l’IA et de la dégradation du niveau d’expression, cette joyeuse présentation m’a semblé complètement inappropriée.

Le quotidien de tas d’entreprises est certes amélioré puisqu’elles se passent de ce fait d’employer des gens pour un même travail, enfin un « presque même », mais il s’avère qu’elles ne sont pas si nombreuses que ça puisqu’elles sont moins de 6 % aux États-Unis à utiliser des IA pour leur production.
Sans parler de la perte d’emploi pour ces gens qui doivent se reconvertir (dans quel domaine et comment ?)

Car il suffit de faire le constat de l’invasion de fautes, d’erreurs, d’accords de syntaxe dans un nombre de plus en plus important d’articles de journaux, qu’ils soient web, papier, nationaux ou locaux.
Les annonces d’emploi ne sont pas en reste à ce propos…

Certains journaux résistent, heureusement, et donnent leurs articles à relire à des correcteurs professionnels ; la qualité des informations est ainsi mise en valeur.

On aurait donc affaire à un progrès ?

Certains sont contents d’expliquer que l’IA est capable d’écrire un texte à la manière de Maupassant, par exemple.

Et alors ?

En quoi cela améliore-t-il notre condition ?

Où est le progrès quand on demande à un autre de réfléchir à notre place à propos d’un sujet à notre portée ?

Le robot Wall-e

Si on y réfléchit, nombre de progrès ne nous rendent pas plus heureux ni plus intelligents (malins) et il n’est jamais sain de se placer sous l’emprise de son compagnon.

Ces trucs, souvent – pour ne pas dire la plupart du temps – manipulés par des organismes mercantiles qui veulent passer en force sans considération des gens ni de leur bien-être réel, sont toujours à prendre avec moult réserves.
Le film Wall-e a démontré en images que ce que, parfois, on nous vend comme du progrès n’en est pas vraiment et finit par nous avilir.

Quand on réalisera que l’on s’est fait berner pour ces mêmes mercantiles raisons, il sera trop tard : la langue sera dévaluée et nos esprits diminués de ce savoir qui aura été dilué et perdu au fond d’une novlangue.
Laisser une entité immatérielle gouvernée par des motifs bien matériels mener la danse ne peut donner rien de bon pour les gens ; ces gens qui fabriquent eux-mêmes les maillons de leurs chaînes.

On peut utiliser des outils qui sont pratiques, il faut bien le dire – et je ne m’en prive pas –, mais de là à les ériger en progrès absolu et à les considérer comme des alliés, voire des amis, le pas est bien trop grand pour le faire sans dommages.

À la fin des « chroniques d’Alvin le Faiseur »,https://lamarchedesmots.com/le-retrouver-cest-comme/ Orson Scott Card explique qu’en tant qu’ancien correcteur professionnel, il sait que dans toute œuvre d’une certaine longueur, quel que soit le nombre de correcteurs et de rédacteurs, et malgré tout le soin qu’ils y apportent, des erreurs passent entre les mailles. Cela, les correcteurs le savent et se mordent les doigts par avance, car ils mettront en œuvre tout un tas d’outils et d’astuces pour n’en laisser que… le moins possible.
Cependant, ces fautes résiduelles ne sont pas du tout du même acabit que celles générées par l’IA.

On ne peut que constater qu’actuellement, bien des textes affichent le manque de relecture – et non de soin à leur écriture –, articles de tout poil où des mots manquent, où d’autres sont amputés d’accords ou bien affichent un mot à la place d’un autre (ce qui donne lieu à des phrases amusantes parfois) sans parler de la typographie dont les signes sont jetés au petit bonheur la chance.
Cela fait un peu… bâclé, mais qu’importe, au fond, puisque le sens global apparaît et qu’au milieu de la foultitude d’infos, le lecteur croira très vite oublier ces mots dont la syntaxe et le choix resteront ancrés dans son esprit sans qu’il en ait vraiment conscience. Là est le danger.

Bien sûr, je tourne autour de la correction, puisque c’est mon domaine et que je suis en mesure de distinguer les dégâts infligés à celui-ci par l’utilisation abusive et outrancière de l’IA : perte d’emplois, nivelage de la pensée, déstructuration de nos compétences de rédaction, de la valeur du processus d’écriture et de son importance comme véhicule de la pensée.
Je ne parle pas de celle qui peut être utilisée pour soulager des scientifiques et faire avancer plus vite les résultats en matière de recherche médicale. Tant que le rapport gain/RH reste à l’avantage de l’humain, ça fait partie des bénéfices universels.

Les analyses ne manquent pas à propos de l’IA, preuve qu’elle(s) dérange(nt), et tout au moins amènent à la réflexion. Ce qui montre que nous ne sommes pas tous prêts à nous faire embourber l’esprit par des machines animées par de prétendues intentions d’aide et de facilitation.